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Réduire la stigmatisation associée à la maladie mentale à l’élémentaire : une affaire d’exemple

| Diversité, Santé mentale

Le métier d’enseignant peut être extrêmement valorisant mais aussi très exigeant, surtout quand se retrouve, dans notre classe régulière, un éventail d’élèves aux besoins très divers.

Or, trop souvent, le personnel enseignant ne peut compter que sur lui-même pour trouver comment aider des enfants aux difficultés d’apprentissage et aux problèmes de santé mentale aussi variés. Cela explique peut-être pourquoi, lors d’un sondage national mené en 2011, une grande majorité d’enseignantes et enseignants ont classé la santé mentale aux premiers rangs de leurs préoccupations. (Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, juillet 2011) Trois ans plus tard, la FCE a mené un autre sondage pour connaitre les dossiers qui, de l’avis du personnel enseignant et dans la perspective de la salle de classe, devraient être au premier rang des enjeux à défendre lors de la prochaine campagne électorale fédérale. La santé mentale des enfants et des jeunes est venue au premier rang des préoccupations de 95 % des répondantes et répondants. (FCE, 2014)

Selon l’Association canadienne pour la santé mentale (2015), 20 % des Canadiens et Canadiennes connaitront personnellement la maladie mentale. Tous et toutes la connaitront indirectement à un moment ou à un autre dans leur vie, soit par l’intermédiaire d’un parent, d’un ami ou d’une amie, ou encore d’une personne au travail. Parce que les écoles sont des microcosmes de la société, ces statistiques s’appliquent aussi aux salles de classe d’aujourd’hui.

Pour l’enseignant ou l’enseignante qui essaie de gérer à la fois les comportements manifestes et cachés des élèves qui souffrent de maladie mentale tout en s’efforçant d’amener l’ensemble des élèves au bout de leur potentiel cognitif, affectif, physique et social, gérer la maladie mentale dans une classe représente un défi de taille et un exercice d’équilibre difficile. Ce dilemme, j’ai régulièrement eu à le vivre dans ma carrière d’enseignant. Les crises causées par la maladie mentale chez un ou une élève peuvent être effrayantes pour l’élève, mais aussi pour ceux et celles qui en sont témoins.

Pour les personnes qui souffrent d’une maladie mentale, la stigmatisation dont elles font l’objet peut non seulement les débiliter, mais aussi mettre leur vie en danger. Selon Sartorius (2002), la stigmatisation de la maladie mentale a été reconnue comme étant le principal obstacle aux soins (cité par Steele, 2013). Steele (2013) s’empresse d’ajouter qu’il faudrait, dans l’intérêt général, réduire cette stigmatisation et, donc, changer les attitudes et croyances envers la maladie mentale et les personnes qui en souffrent. Steele (2013) rappelle avec force conviction que les enfants et les adolescents constituent, d’après les études, un groupe susceptible de réagir particulièrement bien aux interventions de réduction de la stigmatisation, parce que c’est durant ces étapes du développement personnel que s’ancrent les attitudes. Par conséquent, il est tout à fait logique d’avoir ces discussions courageuses dans les classes.

Personnellement, pour le faire, je commence par inviter mes élèves à discuter des signes, des symptômes, des traitements et des mesures préventives associées à diverses maladies ou affections physiques ou mentales, afin qu’ils prennent conscience du fait que, quand on est malade, aucune maladie n’est mieux qu’une autre. Par exemple, je peux poser des questions du genre : « Combien d’entre vous avez commencé à prendre des antibiotiques, puis interrompu le traitement avant la fin, puis êtes tombés malades de nouveau? » « En quoi cela est-il différent de ce que fait une personne qui interrompt ses antidépresseurs parce qu’elle ne se sent plus déprimée et qui fait une rechute? » ou encore « Quels mots utilise-t-on dans la cour d’école ou dans les médias pour désigner des personnes qui ont une maladie mentale? » J’incite aussi mes élèves à se demander comment ils se sentiraient si des gens les maltraitaient ou les injuriaient en raison de problèmes de santé.

Autrement dit, quand on parle de santé mentale dans un contexte éducatif, il ne faut pas seulement aborder la question d’un point de vue clinique, mais aussi dans une perspective de justice sociale. En procédant ainsi, j’ai trouvé que les enfants comprennent mieux que d’être en mauvaise santé physique ou mentale, c’est la même chose, et que les deux nécessitent un traitement. Je leur apprends aussi que de traiter les gens de « fou » ou de « dérangé » n’est pas seulement incorrect, mais que c’est discriminatoire.

Si on n’apprend pas aux enfants que ce langage est incorrect, ils peuvent en venir à l’adopter comme si c’était la norme et, ce faisant, ils contribuent à perpétuer des mythes qu’ils intériorisent. Les éducateurs et éducatrices que nous sommes devons prendre conscience du fait que, si nous ne prenons pas le temps de faire mieux comprendre la maladie mentale à nos élèves et de défaire les nombreux mythes qui l’entourent, nous risquons fort, en réalité, de contribuer à la stigmatisation de la maladie mentale.

Enseigner dans une perspective de justice sociale nous permet de créer dans nos classes des fenêtres et des miroirs. Je veux dire par là que nous donnons à nos élèves les moyens de continuellement se voir et voir les autres au travers du prisme des matières étudiées. L’enseignement, par le biais de la justice sociale, ouvre la porte à la pensée critique et à l’empathie.

En tant qu’éducateur, j’en suis aussi venu à la conclusion que je dois prendre conscience de ma manière de réagir aux crises comportementales qui se produisent dans ma classe, ne serait-ce que parce que les autres élèves m’observent. Ils examinent très attentivement non seulement ma manière de communiquer verbalement et non verbalement, mais aussi ce que je communique. Quand un ou une élève fait un commentaire négatif à un autre ou dit quelque chose sans réfléchir, j’ai appris que je ne pouvais pas le laisser passer, parce qu’autrement, c’est comme si j’entérinais ce message et disais à tous et toutes mes élèves qu’il est acceptable. Parfois, ce qu’on ne dit pas résonne davantage que ce qu’on dit. Au lieu d’ignorer ces incidents, j’en fais des occasions d’enseignement, de discussion ouverte.

En conclusion, j’ai découvert qu’en ayant ces conversations courageuses avec mes élèves, en inscrivant mon enseignement dans une perspective de justice sociale et en réagissant correctement à certains comportements, j’arrive à créer un milieu qui favorise l’apprentissage chez tous mes élèves, un milieu où tous, filles et garçons, se sentent valorisés et appréciés. Et je ne me contente pas des mots, je montre par l’exemple.

Références

ASSOCIATION CANADIENNE POUR LA SANTÉ MENTALE. « Information rapide : La santé mentale / la maladie mentale » (fiche de renseignements), [En ligne], janvier 2015. [www.cmha.ca/fr/medias/information-rapide-la-sante-mentale-la-maladie-mentale/]

FÉDÉRATION CANADIENNE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS. La voix du personnel enseignant canadien sur l’enseignement et l’apprentissage, Ottawa, [En ligne], juillet 2011. [www.ctf-fce.ca/fr/news/Pages/default.aspx?newsid=1983984729&year=2011]

STEELE, D. « Fighting mental illness stigma in the classroom », dans le blogue The Mental Elf, [En ligne], le 1er mars 2013. [www.thementalelf.net/populations-and-settings/child-and-adolescent/fighting-mental-illness-stigma-in-the-classroom/] (en anglais seulement)


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