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Pour une coopération internationale au développement 

| Développement international, Équité entre les genres, Profession enseignante, Santé mentale, Solidarité, Syndicalisation

Raison d’être des initiatives mises en place par la CTF/FCE à l’étranger 

Chaque fois que le Conseil d’administration de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (CTF/FCE) se réunit et parle des réalités vécues dans les classes d’un bout à l’autre du pays, nombreux sont les témoignages de manque de ressources, de matériel et d’outils, sans oublier la pénurie d’enseignantes et enseignants. On ne peut nier que les systèmes éducatifs au Canada ont leur lot de difficultés. Alors pourquoi la CTF/FCE ou toute autre organisation de l’enseignement au Canada investirait-elle du temps et de l’argent pour planifier et mettre en œuvre des programmes dans d’autres régions du monde? 

En bref : parce que nous en avons la capacité et le devoir. Parce que c’est la bonne chose à faire et que cela s’inscrit dans l’énoncé même de notre mission : « En tant que fédération d’organisations membres, la CTF/FCE promeut et appuie une éducation publique inclusive de qualité, financée par l’État, sous toutes ses formes. Elle défend l’enseignement comme profession et milite en faveur de l’octroi de ressources suffisantes, des droits des travailleurs et travailleuses, et de la justice sociale au Canada et dans le monde entier. » Cela fait simplement partie de notre mandat, de notre raison d’être en tant qu’organisation. Mais ce n’est pas tout, loin de là. 

La solidarité est au cœur même de l’action syndicale. Bien que nous ayons nos propres batailles à mener, nous avons le privilège de vivre dans un pays où les droits de la personne sont — la plupart du temps — respectés, où chaque enfant peut prétendre à une instruction de base et où nous pouvons nous réunir en tant que membres d’une organisation syndicale, et exprimer librement nos opinions; ce qui n’est malheureusement pas le cas partout dans le monde. Nous ne pouvons ni ne devons oublier que, si nous sommes citoyennes et citoyens de la province ou du territoire où nous vivons, et aussi de ce pays, nous faisons également partie de la communauté mondiale. Il y a à peine quelques dizaines d’années, quand le premier ministre Pierre Trudeau s’était déclaré « citoyen du monde », l’idée avait alors semblé plutôt  « exotique », alors qu’aujourd’hui elle ne fait plus sourciller qui que ce soit. On compte à l’heure actuelle plus d’une centaine de conflits armés à travers le globe, et on serait bien naïf de penser que ce qui se passe « là-bas », « de l’autre côté de l’océan » et « en dehors de nos frontières » ne nous concerne pas. Nous devons non seulement être à l’écoute de ce qu’il se passe dans le monde, mais aussi faire notre part pour atténuer les dommages infligés à nos concitoyennes et concitoyens, qu’ils portent atteinte à leurs droits, à leur dignité ou à l’humanité en général. C’est aussi pour tout cela que nous faisons ce travail. 

Et en quoi consiste ce travail de coopération internationale et de justice sociale? Grâce au concours des organisations membres, nous offrons un soutien financier et technique dans trois domaines clés : 1) l’action enseignante pour l’enseignement, axé sur le perfectionnement professionnel du personnel de l’éducation; 2) l’action enseignante pour l’égalité des genres, qui favorise l’autonomisation des filles et des femmes; et 3) l’action enseignante à l’appui des organisations de l’enseignement, qui contribue au renforcement des capacités organisationnelles des syndicats de l’enseignement et au développement du leadership. Dans tous les cas et quel que soit le contexte, nous tenons compte des besoins, des priorités et des capacités de nos organisations partenaires à l’étranger pour déterminer où concentrer nos efforts. Tout en respectant les usages culturels et en nous gardant d’imposer nos valeurs, nous nous efforçons par exemple d’orienter les approches et de proposer des solutions de rechange aux punitions corporelles à l’école, de contrer la violence fondée sur le genre en milieu scolaire et de promouvoir une pédagogie davantage axée sur l’enfant. Nous soutenons les syndicats pour qu’ils renforcent leurs capacités et acquièrent des compétences dans les domaines de la négociation, de l’action politique ainsi que du recrutement, de la mobilisation et de la rétention des membres. Nous aidons nos partenaires à donner aux femmes et aux filles les moyens de trouver leur place dans leur organisation syndicale comme dans la société. Nous finançons des travaux de recherche et mettons nos connaissances et notre expérience au service de personnes qui assument la responsabilité d’enseigner et qui n’ont que peu — voire pas — de qualification pour le faire. 

Nous nous y employons depuis des années, et il n’y a pas de remède miracle. Et même s’il y aura toujours à faire, nous voyons des signes encourageants de progrès et d’apprentissage mutuel. 

Notre fierté d’enseigner n’a d’égal que notre désir d’apprendre. Quelles grandes leçons en tirons-nous? Que les outils et les ressources ne pourront jamais remplacer ce qui importe le plus pour garantir une éducation de qualité, à savoir : du personnel enseignant qualifié. Que si le sous-financement peut dans une certaine mesure passer inaperçu ou être camouflé, un sous-financement chronique aura des répercussions sociétales désastreuses et irrémédiables. Nous imaginons les choses telles qu’elles pourraient ou devraient être, mais nous les voyons aussi dans leur état actuel, qui ne permet pas d’assurer une instruction universelle de qualité, inclusive et financée par l’État (notre but ultime). 

Ce travail est un peu comme le voyage d’un nomade qui traverse le désert à dos de chameau. Plein d’espoir, l’enfant assis derrière lui demande innocemment : « On est bientôt arrivé? ». Et le père de répondre : « Non, mon enfant, notre vie est un long voyage. » La destination n’est pas toujours le plus important. 
 
Nous ne pouvons espérer relever les grands défis qui nous attendent — les changements climatiques, les migrations, l’insécurité, les enjeux de la santé, et, bien sûr, les fragilités des systèmes éducatifs — que si nous coopérons avec d’autres pays. La coopération internationale au développement est un investissement dans notre bien-être et notre avenir commun. 


Beverley ParkDirectrice du Programme de coopération internationale et de justice sociale CTF/FCE
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