Partir de loin, persévérer et finir par prendre les rênes : les femmes sur la voie du changement!
Betty Williams, Erin Meryn, Jody Williams, Juliana Dogbadzi, Loune Viaud, Labrda Paz, Marina Pisklakova, Sonita Alizadeh, Rosemary Sadlier, Mary Simon, Léonie Couture, Louise Arbour et Timea Nagy. Ce sont là quelques-unes seulement des femmes extraordinaires dont nous « entendons » les voix dans l’outil pédagogique Parler vrai au pouvoir sur les droits de la personne.
Il y a presque 20 ans, j’ai décidé de faire retentir davantage les voix des défenseurs et défenseuses des droits de la personne et de raconter les histoires des personnes les plus courageuses du monde à une génération qui ne connaissait pas leur bravoure. Bon nombre des défenseurs et défenseuses des droits de la personne que j’ai présentés dans Parler vrai au pouvoir sont des femmes fortes. Toutes, elles ont beaucoup risqué pour amener des changements dans leur collectivité et dans le monde en général.
Juliana Dogbadzi avait 7 ans quand, comme le veut la coutume ancestrale « trokosi », elle a été donnée à un prêtre fétichiste pour devenir une « esclave des dieux ». Pendant 17 ans, elle a été forcée de travailler sans être rémunérée, ni même nourrie ou vêtue, et de fournir des services sexuels au « saint homme ». À 24 ans, elle s’est sauvée et a décidé de consacrer sa vie à dénoncer le trokosi. Grâce à ses efforts, la pratique a été déclarée illégale dans son pays, le Ghana. Autrefois réduite au silence, elle est devenue la voix du changement et dirige les efforts pour émanciper les esclaves du Ghana.
Lorsque Mary Simon avait 8 ans, elle s’emmitouflait dans son parka pour se protéger des 40° C qu’il faisait dehors, allait rejoindre ses amis et entreprenait avec eux la longue marche jusqu’à l’école de jour fédérale. Mais à mesure qu’ils approchaient de l’école, les enfants devenaient de plus en plus nerveux. Leurs voix fortes et joyeuses se transformaient en murmures inquiets. « Il faut arrêter de se parler en inuktitut », disait quelqu’un à voix basse. Les plus braves continuaient encore un peu, mais bientôt tous marchaient en silence. « Une fois à l’école, plus personne ne se parlait, dit Mary Simon. Vous vous rendez compte? » Dans leur école située dans la région arctique et dirigée par le gouvernement du Canada, les enfants inuits devaient parler anglais jusqu’à ce que la cloche sonne à la fin de la journée et qu’ils puissent rentrer chez eux. Les élèves qui désobéissaient à cette consigne étaient punis.
« Vous êtes né avec une identité qui vous est propre. Je suis née avec une identité inuite qui vient avec une culture et une langue, un environnement et un mode de vie distincts. Si cette identité vous est enlevée de force ou insidieusement, cela constitue à mon avis, dans bien des cas, une violation de vos droits. »
Marina Pisklakova a créé la toute première ligne d’urgence consacrée à la violence familiale en Russie. « Un jour, une femme a appelé pour dire que son mari planifiait de la tuer. J’ai averti la police, mais l’agent a immédiatement téléphoné au mari en lui disant : “Si vous le faites, au moins faites-le sans bruit.” J’ai alors compris qu’il n’y avait pas d’espoir. »
Mais Marina croyait en quelque chose de puissant, le droit de chacune et chacun de vivre dans la dignité et de jouir de ses droits fondamentaux. Elle s’est donc lancée corps et âme dans cette cause et a rendu aux femmes russes l’espoir de pouvoir vivre en sécurité et dans la dignité.
À l’âge de 10 ans la première fois puis de 16 ans la seconde, les parents de Sonita Alizadeh ont essayé de la vendre en mariage. À 10 ans, Sonita ne savait pas ce que cela signifiait de se marier. Elle pensait à l’époque qu’elle allait porter de beaux vêtements et jouer à la mariée avec sa famille et ses amies et amis. Les tractations n’ont pas abouti, mais à 16 ans, Sonita a appris qu’elle devait se marier parce que sa famille avait besoin d’argent pour acheter la femme de son frère. Sonita avait d’autres projets.
« Pour moi, il est essentiel de croire que tout est possible. J’ai un cahier que j’appelle le “cahier de mes rêves”. Dedans, je mets des images des choses que je veux faire et créer dans ma vie, même si elles paraissent impossibles. D’abord, j’imagine la chose, puis je la dessine, puis j’en parle comme si elle était vraie et alors, je travaille très fort pour la réaliser. Cette étape est la plus importante. Tant de gens dans le monde font beaucoup pour amener des changements, il n’y a pas que moi. Leurs actions sont une grande source d’inspiration. Savoir que je ne suis pas seule me pousse à avancer. La vision que j’ai du monde de demain me donne l’énergie dont j’ai besoin pour poursuivre mes efforts : je veux un monde dans lequel toutes les filles auront le droit de s’épanouir pleinement, de faire leurs propres choix et de décider elles-mêmes de leur vie. L’image de ce monde que je me peins dans ma tête m’inspire et me renforce dans ma détermination à faire ma part pour apporter des changements sociaux positifs. Tous les jours, je me lève forte de cette inspiration et décidée à créer un monde meilleur pour les femmes et les filles. »
De ces femmes, de leurs paroles, leur courage, leurs actions, leurs vies, nous comprenons que toutes les jeunes femmes sans exception peuvent devenir des agentes de changement, qu’elles peuvent toutes remettre en question les systèmes et les structures qui, si souvent, nient leur capacité et leur droit de prendre les rênes.
À travers les histoires de ces héroïnes, les jeunes femmes découvrent leur propre voix et parlent vrai au pouvoir.
Kerry Kennedy est présidente de Robert F. Kennedy Human Rights et l’auteure de Parler vrai au pouvoir Canada : à la défense des droits de la personne.