Le féminisme autochtone : un héritage à transmettre
(Le présent article est une version abrégée d’un article initialement publié dans le numéro de l’automne 2016 de la revue Geoscope de la Quebec Association of Geography Teachers.)
Quand nous nous éveillons chaque matin, nous recevons en cadeau le privilège d’être les descendantes de nos ancêtres à la voix si puissante. Nous avons le choix d’utiliser cette voix dans tout ce que nous faisons. Nos ancêtres ont tracé le chemin pour que nous comprenions que toutes nos actions ont un impact sur chaque être, que ce soit sur terre, dans l’eau ou dans l’air. Nos ancêtres ont survécu; à nous de continuer d’avancer! Nous avons hérité du savoir de nos aînées et aînés, et avons la responsabilité de faire revivre notre culture. L’inaction n’est pas une option.
Voilà les principes fondamentaux du féminisme autochtone, un féminisme global considéré comme un mode de vie qui court dans nos veines et bénéficie de l’appui de notre lignée matriarcale.
Le dessin de Victoria Wahi:ia Ransom représente le système de soutien des familles, des amies et amis, ainsi que des personnes alliées des femmes autochtones disparues ou assassinées. Le motif floral s’inspire de l’un des dessus de mocassin d’Akwesasne. La plume d’aigle illustre les pensées et les prières adressées à ces femmes qui ont disparu pour rejoindre le Créateur; elle symbolise le système de soutien à ces femmes. Les quatre femmes aux yeux fermés rappellent le processus de deuil et de guérison, tandis que la femme au regard tourné vers les cieux évoque le chemin qui mènera à l’élimination de la violence contre les femmes autochtones.
Le féminisme autochtone, c’est un mouvement de femmes autochtones désireuses de rétablir le savoir ancestral. Nous nous tournons vers le début de la Création pour nous conseiller et nous guider. La Femme du ciel, créatrice de notre Terre-mère, a trouvé sa force dans ce qui l’entourait et a pris fermement appui sur la terre. Ses liens avec son passé l’ont aidée à se servir des outils que le Créateur lui avait donnés pour qu’elle prenne son destin en main. Elle est notre source d’inspiration, notre lien avec la Terre et nos communautés, et nous nous efforçons de transmettre sa puissance aux générations suivantes.
Le rétablissement de notre savoir traditionnel implique que nous examinions comment nous, les femmes, sommes traitées et représentées. Cet exercice met en lumière la relation avec soi-même et les relations avec les autres à l’intérieur de nos communautés. Dans notre culture, les hommes sont nos partenaires, nos alter ego, et non nos adversaires. Dans la maison longue, les clans sont des témoins de l’honneur, du respect et de l’équilibre entre les femmes et les hommes. Ces valeurs sont à la base de nos communautés. Nous, les femmes, établissons les normes de la Confédération. Nous élevons les hommes qui deviendront les chefs. De mère en fille, nous portons la responsabilité du clan. Nous jouons un rôle déterminant dans la prise de décisions et l’éducation des enfants. Nous enseignons à nos fils à respecter leur mère. Nous enseignons à nos filles et à nos nièces à trouver leur voix. Le langage est puissant, et notre manière de nous parler a de grandes répercussions sur notre avenir.
Le féminisme autochtone, c’est aussi un appel à l’équilibre et au respect mutuel entre nos sœurs. Nous devons veiller avant tout à retrouver le moral et la liberté, à guérir. Le mouvement Marchons avec nos sœurs est un bon exemple de mouvement de commémoration et de guérison communautaires et personnelles.
Nos vies sont également liées aux traumatismes du passé subis par nos peuples, par notre Terre. Le féminisme autochtone est donc aussi un mouvement où nos femmes dénoncent avec force les répercussions de la colonisation. Les femmes travaillent à la décolonisation et au rétablissement de nos connaissances traditionnelles qu’elles tentent d’intégrer dans nos vies quotidiennes. Nous montrons à nos filles comment se protéger et créons pour elles des espaces plus sûrs.