Le COVID-19, la lutte pour la justice sociale et l’avenir de l’éducation
La pandémie de COVID-19, la crise économique et les manifestations massives et pacifiques « Black Lives Matter » ont placé l’inégalité et l’injustice au centre du débat public. Elles fournissent une opportunité de changement ; une opportunité qui ne doit pas être perdue. Comme nos organisations membres américaines, la American Federation of Teachers et la National Education Association, l’ont écrit dans une lettre conjointe aux étudiant·e·s :
« Vous, nos étudiant·e·s, vous nous donnez raison d’espérer. Même pendant les jours les plus sombres, les jeunes ont montré qu’ils sont prêts à prendre position et à se battre pour ce qui est juste et droit. Vous démontrez le pouvoir de l’action collective. Vous nous donnez à nous, éducateur·trice·s, une leçon intemporelle : ensemble, nous pouvons changer le monde. »
Déjà avant la fermeture des écoles, les étudiant·e·s nous ont donné de l’espoir en descendant dans la rue pour sauver notre planète du changement climatique. Encore une fois, il·elle·s prennent les devants.
Les manifestations de ces dernières semaines, qui sont devenues mondiales, ont été déclenchées par le meurtre de George Floyd à Minneapolis, la dernière de nombreuses victimes. Son crime était d’être noir. Ce mouvement va cependant bien au-delà de la violence et des exactions policières.
Cet acte scandaleux et d’autres assassinats commis par des agents de l’État montrent que, pour certaines personnes ayant autorité, la valeur de la vie humaine dépend de la race. Cela doit être corrigé, tout comme doivent être corrigées les autres inégalités profondes mises en évidence par plusieurs crises simultanées.
L’IE et ses organisations membres veulent s’assurer que la réouverture, qui est déjà bien engagée dans de nombreux pays, est sans danger pour le personnel éducatif et les étudiant·e·s. Nous sommes inquiet·e·s au sujet non seulement de la santé physique mais également de la santé mentale car le confinement, la menace de la maladie, mais aussi la réouverture, sont des situations stressantes. Mais nous sommes également préoccupé·e·s par les profondes inégalités que nous observons. Nous sommes déterminé·e·s à ce que l’éducation contribue pleinement à l’accroissement de l’égalité et des chances.
Lors de notre récent Sommet international sur la profession enseignante, organisé avec l’OCDE en présence des ministres de l’éducation et qui s’est tenu virtuellement, les inégalités figuraient en bonne place à l’ordre du jour. Au nom de l’IE, j’ai souligné l’impact disproportionné que la COVID-19 a eu sur les étudiant·e·s vulnérables.
Ce n’est pas seulement la fracture numérique qui a désavantagé de nombreux·ses étudiant·e·s dans le cadre de l’enseignement à distance, mais une myriade d’autres facteurs. En fait, de nombreuses inégalités étaient déjà présentes, mais les contraintes pédagogiques les ont aggravées. Nous avons proposé que les gouvernements et la profession enseignante travaillent ensemble pour effectuer un audit d’équité dans les écoles afin d’identifier les étudiant·e·s les plus touché·e·s, d’évaluer leurs besoins et de leur fournir un soutien approprié.
Bien que les inégalités aient été aggravées par la pandémie et ses conséquences économiques, elles sont également devenues plus visibles et ne peuvent plus être ignorées. On observe une prise de conscience accrue des inégalités de genre, d’origine et de statut national, d’appartenance ethnique, pour les personnes handicapées, les peuples autochtones (qui ont énormément souffert) et bien d’autres. C’est le moment d’agir, de corriger les torts et d’égaliser les chances.
L’éducation publique gratuite et universelle a été créée pour instaurer l’égalité. C’était un moyen pour les enfants des travailleur·euse·s et les pauvres d’obtenir un espace égalitaire ; de profiter des opportunités qui avaient été refusées par leur classe socio-économique et la répartition injuste des richesses et des privilèges. Cette mission fondamentale est toujours centrale.
Les jeunes se mobilisent parce que les vies noires comptent, pour que des actions soient entreprises au sujet du changement climatique et au sujet d’autres questions. Ils cherchent à devenir des acteurs, pas des victimes. Et ils n’aspirent pas à être les serviteurs dociles d’une machine économique qui fait passer le rendement des actionnaires avant les gens.
Le droit à l’éducation est inscrit dans le Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En ces temps difficiles, pleins d’opportunités et de dangers, il convient de rappeler la description de son objectif :
« …l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. … l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. »
Il y a dans le monde d’aujourd’hui un besoin criant de compréhension, de tolérance, d’amitié et de paix. Ce besoin ne sera pas uniquement satisfait par l’éducation. Un engagement des sociétés, en particulier des dirigeant·e·s, est nécessaire. Tant qu’une polarisation destructrice et des politiques de haine feront partie des stratégies électorales gagnantes, l’environnement sera hostile à la discussion, au débat civilisé et au consensus.
L’éducation peut cependant aider à préparer un avenir meilleur. Elle peut aider les jeunes à comprendre que leur humanité est partagée avec tou·te·s les autres. Cela peut les aider à développer une pensée critique et à devenir des citoyen·ne·s actif·ve·s qui façonnent leur propre vie plutôt que de voir leur destin déterminé par les autres.
Quand je vois que les manifestations Black lives matter rassemblent des Noir·e·s, des Blanc·che·s, des Asiatiques et d’autres groupes ethniques, je pense parfois que l’éducation doit rattraper les jeunes. Ils articulent les valeurs humaines autour desquelles se construisent des sociétés décentes.
Les étudiant·e·s et leurs besoins sont au centre d’une bonne éducation. Il·elle·s doivent non seulement développer des compétences, mais aussi la confiance nécessaire pour rendre le monde meilleur. On peut espérer que de nombreux jeunes motivés et engagés verront l’éducation comme un espace pour y parvenir, pour apporter leur contribution dans le cadre d’une profession spéciale, estimée et essentielle.
Pour que cela se produise, nous devons tirer les leçons de la pandémie. La vie humaine est plus précieuse que les profits. La communauté est plus importante que le marchandage ou la collecte de dividendes. L’identité doit être définie par ce qu’une personne soutient et non par ce à quoi elle s’oppose. Un monde intégré a besoin de règles, d’une vaste solidarité et d’institutions crédibles. Les services publics sont inestimables et, lorsque la crise survient, ils sont au cœur de notre existence même.
Tout cela va dans la direction d’un investissement public plus important, y compris pour l’éducation. Les Objectifs de développement durable des Nations Unies sont plus importants qu’avant la pandémie, et non le contraire. Cela signifie que les travailleur·euse·s et leurs syndicats, y compris les syndicats de l’éducation, comptent et sont dignes de respect. Ils devraient être encouragés à apporter leur contribution essentielle à la démocratie et au progrès social. Ils devraient être autour de la table, non seulement pour négocier les salaires, les heures et les conditions de travail, mais aussi pour aider à élaborer les politiques qui serviront l’intérêt public.
Les initiatives en faveur du changement lancées par les jeunes ont besoin de soutien. Les dirigeant·e·s doivent les écouter. Leurs demandes sont justes. Ils ont besoin de réponses justes. L’éducation, avec une mission renouvelée et sous toutes ses formes, à l’intérieur et au-delà de la communauté scolaire, est fondamentale pour transformer les espoirs en progrès. Le moment est venu de créer un avenir meilleur à partir des crises d’aujourd’hui.