La profession enseignante, c’est nous!
Quand j’étais en 8e année, j’avais un professeur d’éducation physique
et entraîneur, M. Kay, dont j’aimais observer la relation qu’il entretenait avec les élèves et les membres de mon équipe. C’était un homme aimant, compréhensif, empathique, dont le sourire était contagieux.
Du haut de mes 13 ans, je m’étais dit : « C’est comme ça que je veux être quand je serai grand! » Je savais que je voulais devenir enseignant.
Après avoir obtenu mon baccalauréat en éducation en 1986, j’ai amorcé une longue carrière dans cette noble profession.
Mais que désigne exactement la « profession enseignante »? On me pose souvent cette question et je me rappelle les circonstances qui m’ont poussé à devenir enseignant. En fait, nous avons tous une histoire à raconter pour expliquer pourquoi nous avons choisi cette profession, ce qui nous y a amenés et pourquoi nous avons opté pour l’éducation publique. Chaque histoire est unique, personnelle et pourtant rassembleuse. De fait, c’est l’effet combiné de toutes nos histoires et circonstances qui font
« la profession ». Parce que la profession enseignante, c’est nous!
Le travail des enseignantes et enseignants se fait principalement en salle de classe. Il repose sur la construction de relations significatives avec nos élèves et sur la planification et la mise en œuvre de stratégies qui répondent aux besoins particuliers de chacun et chacune d’entre eux. Le travail ne se termine pas quand sonne la cloche. Ce qui fait de nous des professionnelles et professionnels, c’est ce que nous faisons avec les résultats de nos efforts, car nous ne nous contentons pas de donner une note, mais nous nous engageons aussi dans une réflexion personnelle sur l’expérience.
La pratique réflexive et l’autoréflexion sont deux caractéristiques centrales du professionnalisme. En raison de l’autonomie dont jouit le personnel enseignant dans sa pratique, il est important qu’il évalue lui-même son rendement et ses besoins. Mes leçons ont-elles porté leurs fruits? Pourrais-je amener mes élèves à s’engager davantage dans l’apprentissage? Mon approche a-t-elle été suffisamment différenciée pour aider au maximum chaque élève? Ai-je vraiment la compréhension approfondie de la matière à venir pour l’enseigner efficacement selon le programme d’études? Toutes ces questions sont des exemples de celles que pourrait se poser une professionnelle ou un professionnel dans ses exercices d’autoréflexion.
À mon avis, les professionnels, femmes et hommes, se posent continuellement des questions et cherchent toujours des façons de s’améliorer. Sachant qu’une enseignante ou un enseignant ne va pas enseigner simplement la même leçon, de la même manière, année après année, les élèves et les parents lui font davantage confiance. Il est important que les parents sachent que l’enseignante ou enseignant de leur enfant a le souci de s’améliorer. Les enfants qui nous arrivent ne sont pas tous au même degré de préparation face à l’apprentissage. C’est pourquoi notre approche doit être souple, dynamique et moderne. L’autoréflexion nous aide aussi à préserver notre bien-être mental, dans la mesure où elle nous permet de célébrer nos forces et de voir les victoires de nos élèves quand nous les avons aidés à surmonter l’adversité et à s’épanouir.
Dans la pratique de leur métier, les enseignantes et enseignants font aussi autre chose : ils lisent régulièrement. « Vous êtes ce que vous lisez! », m’a dit un jour une enseignante de langue de 9e année. Je pense que cette vérité s’applique très bien au personnel enseignant. Par exemple, les ouvrages de Pasi Sahlberg, de Dennis Shirley et d’Andy Hargreaves m’ont inspiré dans mon action politique pour renforcer et soutenir l’éducation publique. Les travaux de Yong Zhao et de Jean Twenge ont influencé mon style de leadership. Mais toutes les lectures ne doivent pas servir qu’à se perfectionner. Il faut aussi lire pour le plaisir, pour l’échappatoire que la lecture procure. Quel est le dernier livre que vous avez lu, non pas par obligation, mais parce que vous aviez envie de le lire?
Pour le personnel enseignant, être une professionnelle ou un professionnel est un mode de vie qui se manifeste bien au-delà de la classe ou de l’école, qui s’étend en fait jusque dans la sphère publique. En effet, comme nous travaillons avec des enfants, le cadeau le plus précieux de tous les parents, nous devons non seulement faire preuve d’un très haut niveau de compétence comme enseignantes et enseignants, mais avoir aussi en tout temps une conduite exemplaire.
Les parents ont besoin de se sentir à l’aise avec les personnes chargées de veiller au bien-être de leurs enfants. Lors des séances de formation initiale à l’enseignement que j’ai animées, j’ai souvent fait référence à cette notion en indiquant que les membres de la profession doivent carrément « vivre la profession ». Ce faisant, je rappelais à nos jeunes collègues que jamais, nous n’échappons à notre métier : enseignantes et enseignants nous sommes, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En tout temps, nous représentons la profession et notre apparence et nos actions en public doivent témoigner de notre respect pour elle. Avez-vous déjà pensé à votre apparence, à votre façon de parler et à votre comportement en public? Quelle image présentez-vous de vous-même sur les médias sociaux et en public? À cet égard, les enseignantes et enseignants des petites collectivités ou des régions éloignées qui rencontrent régulièrement des parents en dehors de l’école sont encore plus exposés.
Plus globalement, lorsqu’on pense à l’évolution de la profession dans le contexte de l’éducation publique, on sait que la voie de l’avenir sera parsemée d’obstacles. Régulièrement, des gouvernements aux idéaux néolibéraux adoptent les recommandations de soi-disant « groupes de travail » qui s’attaquent aux fondements de nos systèmes éducatifs. Certaines recommandations, par exemple, visent à démanteler les organisations de l’enseignement en en excluant le personnel de direction ou bien à renforcer les programmes de testage à grands enjeux ou à nous déprofessionnaliser en réduisant notre autonomie. Des recommandations de tous genres circulent et sans que la profession soit jamais consultée. L’Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse sont passés par là ou y passent en ce moment. Lorsque les décisions ont une incidence sur l’éducation et la salle de classe, les enseignantes et enseignants devraient être invités à faire entendre leur voix en amont du processus décisionnel.
L’apprentissage du personnel enseignant est un autre volet de la profession exposé à des forces extérieures. Les ordres professionnels et les employeurs affirment souvent qu’ils savent quel apprentissage professionnel il faut à l’enseignante ou enseignant en salle de classe, à quel moment et en quel lieu. Pire, ils sont persuadés de savoir comment mettre cet apprentissage en application. Mais qui d’autre que les enseignantes et enseignants savent vraiment quels sont leurs besoins dans ce domaine? J’estime que les enseignantes et enseignants, par l’autoréflexion et la planification de leur croissance professionnelle, sont les mieux placés pour déterminer où ils ont besoin de s’améliorer et comment devrait se faire leur apprentissage. Tout ce qu’il leur faut, c’est du soutien.
En ma qualité de président de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, je défends ardemment l’idée d’une éducation publique pleinement financée par l’État, aussi bien pour le personnel enseignant du Canada que pour le droit des enfants du Canada à des classes intégrées dans des écoles de qualité. Comme enseignantes et enseignants, nous avons pour tâche de bâtir l’avenir en mettant les jeunes qui nous sont confiés sur la voie du succès. Après tout, c’est pour le bien-être des enfants du Canada que notre profession existe.