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Entrevue avec une enseignante en début de carrière : Melissa Dedam, Harcourt Elementary School

| Éducation autochtone

À quoi ressemble votre parcours professionnel jusqu’à maintenant?

J’ai eu un parcours passionnant qui m’a beaucoup appris. En décembre 2010, j’ai obtenu un baccalauréat en éducation de l’Université du Nouveau-Brunswick, où j’ai aussi suivi le programme de formation des enseignantes et enseignants des Premières Nations. J’ai obtenu mon diplôme avec distinction le 18 mai 2011 et mon certificat d’enseignement provincial en mars 2011. Ensuite, j’ai suivi des cours menant à un certificat avancé en alphabétisation à l’Université Crandall, certificat que j’ai obtenu en novembre 2013. J’ai aussi fait une maîtrise en enseignement et apprentissage au XXIe siècle à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, que j’ai terminée en août 2015. Je poursuis en ce moment mes études pour transformer mon certificat avancé en alphabétisation en maîtrise. Il me reste seulement un cours à faire pour terminer ce programme. L’éducation, c’est vraiment important pour moi.

Je veux briser les stéréotypes négatifs en faisant comprendre aux autres que « nous », les membres des Premières Nations, sommes capables de réaliser nos rêves et avons beaucoup à offrir à la société.

En plus d’avoir enseigné plusieurs années de la maternelle à la 12e année, j’ai joué un rôle d’encadrement pour le district scolaire dans le contexte des programmes d’entraide professionnelle et d’apprentissage par observation, et j’ai appuyé de nombreux collègues enseignants en alphabétisation. Depuis, j’ai enseigné dans une classe combinée de 3e et 4e année et, l’an dernier, j’ai enseigné les arts langagiers dans une école intermédiaire à Elsipogtog. Cette année, j’assume les fonctions d’enseignante-ressource (20 % de ma tâche d’enseignement), d’enseignante d’art de la maternelle à la 5e année et d’enseignante d’une classe combinée de 2e et 3e année. Je suis une sorte de femme à tout faire! C’est l’un des avantages d’être une enseignante sous contrat D (contrat à durée déterminée pour les enseignantes et enseignants du Nouveau-Brunswick)!

Ma passion pour l’apprentissage et mon dévouement à l’égard de mes élèves sont étroitement liés à mon instinct maternel. J’ai quatre garçons et une fille âgés entre 4 et 17 ans. Ils sont ma première source d’inspiration. Certaines personnes se demandent comment j’arrive à jongler avec mes responsabilités de mère, d’enseignante à temps plein et d’étudiante. Ce que je peux dire, c’est que j’ai un rêve! Et quand j’entreprends quelque chose, je m’engage à fond et je m’assure de toujours terminer ce que je commence.

En tant que membre des Premières Nations et mère de cinq enfants, je pense que l’image a été un facteur important dans ma vie. Je veux briser les stéréotypes négatifs en faisant comprendre aux autres que « nous », les membres des Premières Nations, sommes capables de réaliser nos rêves et avons beaucoup à offrir à la société. Mon rêve, c’est aussi d’intégrer les précieux enseignements et la riche culture des Premières Nations dans le système d’éducation publique.

Pourriez-vous nous décrire ce qu’est, pour vous, une journée de travail typique?

Structure, horaire, établissement des priorités : voilà ce qui me permet de passer à travers ma journée. Après avoir rempli mes devoirs de mère, je quitte la maison vers 7 h 30 et j’arrive au travail vers 7 h 50. Je commence par allumer mon ordinateur et ouvrir Smart Notebook, ce qui prend une éternité!

Quand mes élèves arrivent entre 8 h 20 et 8 h 30, je les accueille et les envoie prendre leur déjeuner en leur rappelant d’apporter leur dîner à la cafétéria. Si je ne suis pas de service pendant le déjeuner, j’en profite habituellement pour préparer des choses ou faire des photocopies de dernière minute. Après le déjeuner, soit j’enseigne les arts langagiers avec une collègue, soit j’effectue mes tâches d’enseignante-ressource. Après la récréation, j’enseigne les mathématiques et le vocabulaire dans ma classe de 2e et 3e année. L’après-midi, selon la journée, je donne le cours You and Your World (à mes élèves de 2e année) ou encore j’enseigne les sciences, les études sociales, les mathématiques applicables à la vie quotidienne ou les arts (aux classes de la maternelle à la 5e année).

À la fin de la journée, une fois que les élèves sont partis, à 14 h 30, je range la classe, puis je travaille avec une collègue sur les arts langagiers. Ensuite, je prépare la journée du lendemain.

Dans mes temps libres, après l’école, je fouille souvent dans les sites Pinterest et Teachers Pay Teachers pour trouver des façons novatrices d’inciter mes élèves à s’investir. La journée d’une enseignante ou d’un enseignant ne s’arrête pas quand la cloche sonne!

Comment et quand avez-vous décidé de devenir enseignante?

Melissa Duram - Photo de graduation

Toute petite, je savais déjà que je deviendrais enseignante. Je me souviens que je jouais à « l’école » dans un vieux fort avec mes frères et sœurs plus jeunes. La graine était semée! Mais la vie nous réserve parfois des surprises et ne se déroule pas toujours comme nous l’avions prévu.

Quand je suis arrivée à l’école secondaire, je n’avais plus l’enthousiasme que j’avais quand j’étais plus jeune. Sans parents et enceinte, je n’avais aucune perspective d’avenir. Les gens me jugeaient, parlaient dans mon dos. Quelqu’un m’a même dit : « Tu ne seras jamais rien qu’une pauvre indienne, dépendante de l’aide sociale, avec plein d’enfants. » Si ces paroles m’ont blessée, je dois admettre qu’à l’époque, la chance n’était pas de mon côté. Je vivais seule, sans soutien parental ni revenu, à part les 80 $ d’aide sociale du bureau du conseil de bande. En plus, et ce n’est pas négligeable, je n’avais aucune vision d’avenir. Je ne savais quoi faire de ma vie. J’avais oublié la petite fille qui jouait à l’école dans le vieux fort. Elle était perdue. J’étais perdue.

Même si je me sentais démunie et découragée, j’aimais de tout mon cœur cet enfant que je portais. Et, tout en sachant que les obstacles seraient nombreux, je lui ai promis de tout faire pour lui donner une bonne vie. Je lui ai promis que j’accomplirais de grandes choses pour devenir quelqu’un d’important pour qu’il soit fier de moi.

À l’époque, je savais que je devais finir l’école secondaire. Ça n’a pas été facile, mais grâce au soutien d’enseignantes et enseignants bienveillants qui ont pris le temps de me connaître et de m’encourager à persévérer, j’ai réussi! Je savais que l’éducation était importante. J’avais seulement besoin que quelqu’un croie en moi. J’ai obtenu mon diplôme, mais je ne suis pas allée tout de suite à l’université.

Après quelque temps, j’ai finalement retrouvé la petite fille du vieux fort, bien cachée au fond de moi. Quand mon premier enfant a été en âge de le faire, nous jouions à l’école tous les jours, comme quand j’étais petite. J’étais l’enseignante et lui, l’élève. Les murs du salon étaient couverts d’affiches représentant les lettres de l’alphabet, les chiffres, les couleurs, les formes, etc. Avant même qu’il commence la maternelle, mon fils savait lire et écrire, et connaissait même les bases des mathématiques. Nous lisions des livres ensemble tous les jours et faisions toutes sortes d’activités.

Chaque fois qu’un déclic se produisait dans sa tête, il souriait de toutes ses dents. Ses yeux s’illuminaient de fierté quand il réussissait quelque chose. Il avait alors 4 ans, et ces moments si savoureux restent gravés dans mon cœur. C’est à cette époque que j’ai compris que je voulais vraiment enseigner. Et pas seulement pour jouer.

Voir ce sourire de réussite et de fierté chez un enfant! C’est ce qui est le plus gratifiant pour une enseignante!

Je voulais vivre ces précieux moments avec d’autres enfants. Je voulais donner à d’autres enfants la possibilité de développer le sentiment de confiance que mon fils avait lui-même acquis. J’étais destinée à devenir enseignante parce que j’étais déjà une enseignante « dans mon cœur ».

Voilà maintenant 17 ans que j’ai fait cette promesse à mon bébé. J’ai obtenu une première maîtrise de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard et je suis en train de terminer mon dernier cours en vue d’obtenir une deuxième maîtrise de l’Université Crandall. Et j’ai réussi à faire tout cela en élevant cinq enfants et en enseignant à plein temps. Qui aurait pu croire qu’une promesse faite il y a si longtemps allait me mener là où je suis aujourd’hui?

Quelles sont vos plus grandes sources de satisfaction en tant qu’enseignante?

Voir ce sourire de réussite et de fierté chez un enfant! C’est ce qui est le plus gratifiant pour une enseignante!

Quels sont vos plus grands défis?

Il n’est pas toujours facile de séparer ma vie professionnelle de ma vie personnelle. La gestion du temps est aussi un défi. J’ai l’impression qu’il n’y a jamais assez d’heures dans une journée. Pourquoi avons-nous besoin de dormir??? Cela dit, mon plus grand défi, c’est d’arriver à ne pas toujours douter de moi… à gérer ce sentiment d’incertitude que j’éprouve quand je me demande si j’ai répondu ou non à tous les besoins de mes élèves.

Que pensez-vous de la profession enseignante?

J’adore enseigner. Même si nous, les enseignantes et enseignants, devons faire face à beaucoup d’incertitudes et d’obstacles inhérents à la profession, c’est le meilleur métier qui soit — après celui de mère évidemment. Rien n’est plus gratifiant, et je ne changerais de carrière pour rien au monde.


Cet article a été publié pour la première fois dans sa version originale anglaise dans le numéro de novembre 2015 du magazine NBTA News (en anglais seulement, PDF – 5,15 Mo).


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