Créer une culture scolaire inclusive, indépendamment du genre
Privilège. Pour la plupart d’entre nous, ce mot fait automatiquement penser à un contexte négatif, à une forme ou une autre d’oppression. Mais c’est autre chose. Le privilège peut être examiné sous divers angles, et chacun et chacune de nous en jouit d’une façon ou d’une autre (être doté d’une vue ou d’une ouïe parfaites, être physiquement apte, être cisgenre, être hétérosexuel, etc.). Moi qui suis une femme hétérosexuelle et cisgenre, j’utilise ce privilège pour travailler dans la communauté en tant qu’alliée et militante afin d’améliorer les choses. Je considère mon privilège comme un outil à utiliser. Cela dit, nous devons faire attention à ce que nous faisons de notre privilège et penser aux répercussions que ce privilège qui est le nôtre peut avoir sur les autres.
Un autre concept à explorer est celui des microagressions. Les microagressions sont des rebuffades, des insultes ou des affronts quotidiens, verbaux, non verbaux ou environnementaux, intentionnels ou non, qui communiquent des messages hostiles, désobligeants ou négatifs à l’endroit de certaines personnes seulement parce que celles-ci appartiennent à un groupe marginalisé[1]. Il peut s’agir par exemple de tenir pour acquis qu’une personne qui ne correspond pas à la culture dominante est née à l’étranger, ou de reconnaître l’intelligence d’une personne de couleur ou d’une personne d’un genre en particulier. Et la liste est longue. Les types de microagressions sont nombreux et ont une incidence sur la façon dont nous vivons notre vie et prenons nos décisions au quotidien. En reconnaissant les microagressions et la manière dont elles sont utilisées, nous pouvons changer le discours qui circule dans notre société.
Les microagressions et le privilège sont deux attributs personnels qui peuvent nuire au jugement moral. Soyons clairs, je ne dis pas qu’une personne qui commet une microagression est intentionnellement raciste, homophobe ou sexiste; son comportement peut être attribuable à un manque de connaissance ou de compréhension. Si nous ne savons pas ce que sont les microagressions, comment pouvons-nous les éviter? Les microagressions sont également bien ancrées dans la culture. Ce qui est vécu dans une partie de la province n’est peut-être pas vécu ailleurs. Cependant, les normes culturelles deviennent parfois des normes nationales comme en témoigne en ce moment la question du genre aux États-Unis.
En 2015, l’ARC Foundation, établie à Vancouver (Colombie‑Britannique), a lancé un mouvement pour que chaque district scolaire se dote d’une coordonnatrice ou d’un coordonnateur de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre chargé d’aider les enseignantes et enseignants à parler de diversité en classe et à trouver du matériel inclusif pour la salle de classe. Ce mouvement comptait 9 districts scolaires participants en 2016 et 53 en 2017[2]. En 2016, le ministre de l’Éducation alors en fonction, Mike Bernier, a exigé de tous les districts scolaires qu’ils actualisent leurs politiques de manière à ce qu’elles fassent explicitement mention de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre et de l’expression de genre, et ce avant la fin de l’année scolaire 2016[3]. À l’échelle nationale, l’adoption du projet de loi C-16 en juillet 2017 a fait de l’expression de genre un droit protégé au Canada. Beaucoup de mesures ont été prises dans les écoles pour soutenir les élèves transgenres, mais il reste encore énormément de travail à faire.
Pour sa part, la FECB a conçu un atelier sur la création d’une culture scolaire inclusive, indépendamment du genre, qui permet aux participantes et participants de réfléchir à ce que peuvent faire les écoles pour que tous les élèves sans exception se sentent en tout temps acceptés et en sécurité. Il peut s’agir de mesures toutes simples comme changer sa façon de s’adresser aux autres, par exemple en disant « bonjour tout le monde » au lieu de « bonjour mesdames et messieurs » ou en disant « les amis » au lieu de « les garçons et les filles ». En utilisant un langage neutre, on inclut davantage tous les élèves et on les aide à se sentir à l’aise dans n’importe quelle situation. Par exemple, une enseignante d’une école élémentaire de Vancouver donne à sa classe un nom d’animal différent chaque année : « Allez, les kangourous, au gymnase! », « Hé, les tortues travaillantes, c’est l’heure de ranger! » ou « Les petits lions, partagez un peu avec vos amis! »
Une autre mesure possible consiste à aménager des toilettes neutres dans les écoles. Comme le genre constitue davantage un spectre qu’un concept binaire, il n’est pas rare qu’une même classe compte plusieurs élèves qui s’identifient autrement que comme une fille ou un garçon. D’après des études de psychologie, les enfants prennent conscience de leur identité de genre avant même leur entrée à la maternelle. Lorsque seules des toilettes genrées sont accessibles, les élèves de genre variable se sentent oubliés et obligés de choisir entre seulement deux normes. On observe d’ailleurs que les infections urinaires sont plus fréquentes chez les personnes trans, qui souvent préfèrent attendre d’être rentrées à la maison plutôt que de compromettre leur sécurité en utilisant une toilette genrée. On peut facilement remédier à cette situation en aménageant dans l’école au moins une toilette privée et en inscrivant simplement « Toilette » sur la porte, et en veillant à ce qu’elle soit facilement accessible à tout le monde, c’est-à-dire les enseignantes et enseignants, les administrateurs et administratrices, les autres membres du personnel et les élèves. On offre ainsi un lieu sécuritaire à tout le monde et on prévient le risque d’exclure un ou une élève qui n’a peut-être pas fait connaître son identité aux autres.
Et ce n’est pas tout. Fournir du matériel inclusif dans la classe contribue non seulement à sensibiliser davantage les élèves, mais également, et surtout, à créer un espace sécuritaire. Tous les élèves devraient pouvoir se reconnaître dans le programme d’études. À la lumière des études menées récemment sur les thèmes de la santé mentale et des questions allosexuelles, les enseignantes et enseignants commencent à utiliser des méthodes pédagogiques inclusives pour essayer de créer des conditions propices à la bonne santé des élèves. Des études démontrent qu’il est primordial de sensibiliser les enfants pour mieux répondre aux besoins des enfants de genre variable[4]. Les enseignantes et enseignants n’utiliseront pas tous le matériel avec la même aisance, mais il faut bien commencer quelque part. De nombreux outils se trouvent sur le site Web de SOGI Education. Ils sont classés par année et par matière. Chaque leçon constitue une excellente occasion d’épanouissement et de compréhension.
Enfin, on peut aider les élèves allosexuels en créant des alliances de personnes allosexuelles et hétérosexuelles dans les écoles et en offrant à ces alliances le soutien dont elles ont besoin. Comme les élèves trans sont les plus marginalisés, il est important de créer des espaces sécuritaires où ces élèves peuvent rencontrer des personnes en qui ils ont confiance. Au total, 45 % des élèves trans feront une tentative de suicide avant l’âge de 18 ans. Cette réalité est attribuable en grande partie au manque de soutien familial et à l’absence de relations sociales. Nos élèves passent plus de 35 heures par semaine à l’école. Il est donc important qu’ils s’y sentent bien.
[1] Diversity in the Classroom, UCLA Diversity & Faculty Development, 2014.
[2] www.sogieducation.org
[3] Laura Kane, Globe and Mail, septembre 2016.
[4] Riley et autres, 2013.
Bibliographie
Gouvernement du Canada. Projet de loi C-16, [En ligne].
Riley, Elizabeth A., et autres. « Recognising the Needs of Gender-variant Children and Their Parents », Sex Education, vol. 13, no 6, (05), 2013, p. 644-659. doi:10.1080/14681811.2013.796287.
Support All Students, SOGI 1 2 3, [En ligne].
Nichelle Penney est une enseignante du secondaire à Kamloops et une animatrice de la FECB.